Comment créer une monnaie locale ? Méthodologie en 8 étapes

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« Comment ça ? Vous n’acceptez pas les paiements en choux !? 🙂 »

Comment dynamiser un territoire, encourager le commerce local tout en respectant l’environnement et en promouvant des valeurs telles que la démocratie, la confiance et la solidarité ?

Avec la monnaie locale bien sûr !

Vous êtes un étudiant en Mastère Ingénierie Écologique, un professionnel, une association, une coopérative ou bien un futur éco-entrepreneur et vous rêvez de créer votre monnaie locale à l’instar de la Gonette, de l’Eusko ou de la Doume ? Nous vous proposons dans cet article une introduction au protocole de création d’une monnaie locale et vous apportons toutes les ressources nécessaires pour mener à bien votre projet.

Pourquoi mettre en place une monnaie locale ?

Pour commencer, inscrivons la monnaie locale dans son contexte. Définissons-la et montrons ses enjeux, ses objectifs et ses avantages afin de mieux comprendre les éléments dont il sera question lorsque nous aborderons les étapes de sa création.

Qu’est-ce qu’une monnaie locale ?

Certes, son nom est tout à fait explicite : une monnaie locale, appelée aussi Monnaie locale complémentaire (MLC), est utilisée dans un territoire donné, en plus de la monnaie nationale. Mais d’où provient cette idée et à quoi sert ce système ? 

Au Moyen-Âge déjà, il existait une multitude de monnaies frappées qui différaient en fonction de chaque “domaine baronnial”. Nous retrouvons plus tard des tentatives d’instauration de monnaies locales dans d’autres pays comme en Autriche après la Grande Dépression ou en Argentine après la crise économique. L’histoire contemporaine des monnaies locales est quant à elle liée à la crise financière des subprimes et à celle des dettes souveraines de 2008. Dès lors, elles se multiplient jusqu’à être reconnues par l’État français en 2014 grâce à la loi Hamon sur l’Économie sociale et solidaire.

Parmi les 80 existantes en France, citons l’Abeille qui fut la première en 2010, à Villeneuve-sur-Lot, l’Eusko dans le Pays basque, la Gonette à Lyon, la Roue en Provence, l’Agnel à Rouen, le Stück à Strasbourg ou bien encore la Cigogne à Mulhouse.

Le calcul est simple : une unité vaut un euro. Pour en disposer, il faut d’abord procéder à une conversion. Ces euros échangés constituent un fonds de garantie dans la banque – éthique – où elles sont placées et servent à investir dans des projets écologiques et solidaires.

Les usagers peuvent en parallèle utiliser les unités de monnaies locales chez les professionnels partenaires.

Mais sans plus attendre, rien de mieux qu’une petite vidéo pour présenter tout cela, et en indiquer les limites :

Crédit : Le Média

Quels sont les objectifs des monnaies locales ?

Un projet de création d’une monnaie locale s’inscrit dans une réflexion de la part d’acteurs et de citoyens autour de la résilience d’un territoire donné, et de l’amélioration de la vie dans ce dernier par le biais de valeurs comme la démocratie, la solidarité et l’écologie.

Vers une économie réelle…

Bien que leur but ne soit pas de concurrencer la monnaie nationale, les initiateurs d’une monnaie locale souhaitent toutefois se réapproprier l’économie et trouver des solutions face à des problèmes rencontrés dans leur territoire.

Ainsi, la monnaie locale contribue à la lutte contre la désertification des magasins de proximité du fait des supermarchés et des zones commerciales grâce à son réseau d’entreprises adhérentes que les usagers peuvent alors découvrir ou redécouvrir. Il en résulte une diminution du chômage puisque ces entreprises peuvent davantage embaucher du personnel.

De plus, comme les petits commerces s’avèrent également des lieux de rencontre et de discussion entre les clients et avec le commerçant, la monnaie locale entraîne la formation et le maintien du lien social basé sur la confiance et la solidarité. Dans un sens plus large, elle offre aussi une cohésion sociale en tant que symbole identitaire, comme l’indiquent leurs noms joyeux ou poétiques issus très souvent d’une référence locale.

… et écologique !

Ensuite, en choisissant la proximité (donc  des produits non suremballés), et en allant faire leurs courses plus souvent, les clients utilisent moins leurs voitures, diminuant ainsi les émissions de gaz à effet de serre, et engendrent peu de déchets.

Tous ses avantages sont-ils bien réels et concrets, me direz-vous ? Oui, vous ne rêvez pas ! Voici comment cela a été rendu possible pour les autres monnaies et comment ça peut l’être pour vous.

Les 8 étapes pour créer une monnaie locale.

Commençons par une réalité qui n’a pas pour objectif de vous décourager : la création d’une monnaie locale demande un investissement conséquent ainsi que l’engagement de personnes motivées.

Mais étant donné le nombre d’associations et de coopératives ayant déjà tenté l’expérience, vous pouvez vous aider de plusieurs ressources et guides.

Citons notamment les pages dédiées sur les sites internet du réseau MLCC et de l’Homme en Devenir.

Afin d’avoir une vue d’ensemble du travail qu’exige un tel projet, récapitulons les différentes étapes proposées par ces méthodes.

Étape 1 : Adhérer au réseau MLCC.

Avant toute chose, il est nécessaire d’adhérer au réseau des monnaies locales complémentaires citoyennes (MLCC). Grâce à celui-ci, vous pouvez échanger avec les membres de différents territoires et participer à des rencontres.

De plus, vous avez accès à une base de documents et de comptes-rendus qui traitent des pratiques déjà existantes et qui s’avèrent des ressources précieuses pour créer votre monnaie.

Étape 2 : Former le noyau fondateur.

Les personnes à l’origine du projet forment le noyau fondateur. Elles appartiennent de préférence à plusieurs entreprises dont l’une, comme une Biocoop ou une AMAP, propose des produits courants et sert de lieu de base pour l’utilisation de la monnaie. 

Dès le départ, l’équipe convient d’une périodicité pour les réunions et fait la liste des personnes qui ne participent qu’à titre occasionnel ou qui deviendront les ambassadeurs une fois la monnaie créée.

Étape 3 : Déterminer le fonctionnement du groupe et des prises de décisions.

Pour la pérennité du projet, il est indispensable de poser dès le départ les principes fondamentaux du fonctionnement de l’ensemble du système.

Comment se déroulent les réunions ? Quelles sont les manières de travailler qui éviteront les ruptures, les jeux de pouvoir et qui permettront à chacun de s’exprimer ? Pour vous aider, le réseau MLCC met à disposition un document qui donne des “conseils pour tenir des réunions agréables et efficaces”.

Le groupe se met également d’accord sur le processus de décision. En règle générale, les valeurs de démocratie et d’écoute qui sous-tendent la monnaie locale amènent à préférer une organisation plus horizontale que verticale, ce qui demande parfois un changement de paradigme qui doit être analysé et discuté au préalable.

Étape 4 : Définir l’objectif du projet de création de monnaie locale.

Une fois le fonctionnement bien établi, les acteurs définissent en détail le projet de création de monnaie locale.

Il s’agit tout d’abord d’expliciter les valeurs et les objectifs de la nouvelle monnaie locale. Aujourd’hui, grâce à l’expérience de plusieurs associations, vous pouvez avoir accès à des ressources comme le Manifeste pour les monnaies locales complémentaires et les Avantages liés à la mise en service d’une monnaie locale complémentaire

À la suite de cette discussion, vérifiez que la forme que prend la monnaie locale correspond au projet, car il en existe d’autres types comme les monnaies de lien ou le troc.
Si c’est bien le cas, vous pouvez alors rédiger de manière simple et efficace la charte qui reprend tous les éléments précédents et qui sera signée par tous les membres professionnels. Vous avez la possibilité de vous appuyer sur les modèles des chartes déjà formulées comme celle de la Gonette ou de l’Eusko.

Étape 5 : Fixer la forme juridique.

Selon les pays, la forme juridique que prend le réseau peut varier. Habituellement, le statut est celui d’une association ou d’une coopérative.

En ce qui concerne la législation en France et au Canada, les monnaies complémentaires sont autorisées si elles circulent dans un réseau identifiable. Pour vous renseigner plus en détail sur les réglementations françaises, vous pouvez vous rendre sur le site du ministère de l’Économie.

Étape 6 : Préciser les caractéristiques de la monnaie.

Vient ensuite le moment de donner corps à la monnaie locale en choisissant :

  • son nom, en faisant participer la communauté ;
  • son support : bon d’échange, chèque, monnaie électronique, paiement par téléphone, etc. À titre d’illustration, l’Eusko a adopté une monnaie numérique, en témoigne ses conditions d’utilisation à consulter ici. L’utilisateur crée un compte sur un site internet et l’alimente par des versements. Il peut régler avec une carte spécifique, de la monnaie papier qu’il peut retirer dans des bureaux de change adhérents, par prélèvement et par virement.
  • ses coupures de 1, 2, 5, 10, 20, etc., leurs illustrations et leur quantité ;
  • la manière de se prévenir contre la fraude : plusieurs monnaies locales ont déjà trouvé différents moyens de protéger leurs billets : encre et papiers spéciaux, codes à bulles, etc. N’hésitez pas à les contacter ainsi qu’à demander les possibilités existantes aux imprimeurs ;
  • son émission et sa gestion en toute transparence : votre association, une banque, ou une entreprise ;
  • son fonds de réserve en se tournant vers une banque qui répond aux valeurs du projet. La Gonette a choisi La Nef (comme vous pouvez le voir dans ses conditions générales d’utilisation juste ici) car elle soutient des initiatives écologiques et sociales.

Étape 7 : Spécifier le fonctionnement du système.

Élargissons ensuite les spécificités de la monnaie locale en nous occupant du fonctionnement du système de manière plus générale. Cette étape comprend notamment les critères d’affiliation et de contribution financière des particuliers et des professionnels pour couvrir les frais.

De même, il faut s’interroger sur la façon d’acquérir la monnaie et sur les organismes qui peuvent la convertir, voire la reconvertir en monnaie nationale. Pour la Gonette, par exemple, la demande de remboursement en euros ne peut se faire que dans les bâtiments de l’association ou par mail et s’effectue par virement bancaire.

Étape 8 : Trouver les manières de développer et de promouvoir la charte.

Il s’agit enfin de définir les moyens qui aideront au lancement de la monnaie. Parmi ceux-ci, citons les plaquettes d’informations, le site internet, les formulaires d’adhésion (dont voici un exemple juste ici avec celui de la Gonette), la présence des membres dans l’entreprise de base, la distribution de tracts, etc.

Vous avez également tout à gagner à chercher des partenaires sur le plan des autorités publiques que sont les collectivités : mairie, département ou région. Par exemple, des conventions (dont voici un exemple juste ici) sont signées entre l’Eusko et les villes du Pays basque. La ville de Bayonne, notamment, paie en Eusko depuis 2018.

Mais il est aussi important de réfléchir en amont aux différentes possibilités qui permettront de maintenir, dynamiser et développer le réseau : rencontres, conférences ou bien encore films en informant la presse. En ce qui concerne les membres professionnels, prévoyez un suivi pour être toujours à leur écoute.

Créer une monnaie locale : quels sont les défis et comment les surmonter ?

Créer une monnaie locale peut être un outil puissant pour le développement économique local, mais il y a plusieurs défis à relever pour sa mise en place et sa pérennisation :

  1. L’adhésion de la communauté et des entreprises locales : L’un des défis majeurs est de convaincre les membres de la communauté et les entreprises locales de l’utilité de la monnaie. Il faut expliquer les avantages de la monnaie locale et comment elle peut stimuler l’économie locale. L’organisation de réunions d’information, de webinaires ou de campagnes de sensibilisation peut aider à surmonter cet obstacle.
  2. La légalité : Il est crucial de veiller à ce que la monnaie locale soit conforme à la réglementation en vigueur. Cela peut nécessiter de consulter des experts juridiques pour s’assurer que le fonctionnement de la monnaie est légal.
  3. La gestion et la logistique : Gérer une monnaie locale nécessite une organisation efficace. Il faut prévoir des mécanismes d’échange de la monnaie nationale contre la monnaie locale, des contrôles pour éviter les fraudes, et des moyens pour inciter à l’utilisation de la monnaie locale.
  4. La viabilité à long terme : Pour qu’une monnaie locale soit durable, il faut qu’elle soit acceptée par un grand nombre d’acteurs locaux et qu’elle soit utilisée régulièrement. Il est donc important d’établir des partenariats avec des acteurs clés de la communauté, comme les commerçants, les institutions publiques et les associations.

Pour surmonter ces défis, voici quelques suggestions :

  • Développer une communication efficace : Il est essentiel de bien communiquer sur les avantages de la monnaie locale pour les individus, les entreprises et la communauté dans son ensemble.
  • Impliquer la communauté dès le début : Plus les membres de la communauté seront impliqués dès le début du projet, plus ils seront susceptibles de soutenir et d’utiliser la monnaie locale.
  • Constituer une équipe solide : Il est important de constituer une équipe solide et engagée pour gérer le projet. Cette équipe peut comprendre des bénévoles, mais aussi des professionnels de la finance, du droit, de la communication, etc.
  • S’inspirer de projets existants : Il y a beaucoup à apprendre des nombreuses expériences de monnaies locales à travers le monde. Étudier ces cas peut permettre d’éviter certains pièges et de s’inspirer de solutions qui ont fait leurs preuves.

Voilà, vous connaissez maintenant toutes les démarches nécessaires et disposez d’exemples et de fichiers concrets.

Si vous souhaitez en savoir plus ou que vous voulez créer une éco-entreprise ou une association, sachez que nous analysons les monnaies locales plus en détail et que nous abordons de nombreux sujets comme celui-ci dans notre Mastère Ingénierie Écologique, option Éco-Entreprenariat. Contactez-nous pour nous présenter votre projet !

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